La raie qui ment

Notre mission Cousteau a définitivement pris fin, lundi, à 22 h 30, par 10°C, à l’aéroport de Brest. Au passage, petit message à l’architecte qui a pensé l'ouvrage  : s’inspirer d’une raie manta pour concevoir cet établissement, c’est sans doute une grande ouverture sur le monde, un bel hommage aux Bretons voyageurs et du pain béni pour Yann Arthus-Bertrand mais on frôle l’insolence et l’irresponsabilité. 1. Qui, après avoir nagé avec des raies d’un mètre de diamètre, dans une eau de bain proche des 30 °C, peut encore croire que de tels spécimens aient élu domicile dans les fonds de la mer Iroise ? Sauf à les imaginer sujettes à une consommation excessive de Hinano. La théorie pourrait alors expliquer la migration transaquatique. 2. C’est jouer avec la santé mentale des Bretons qui déjà abusent du radis noir pour combattre le gamma GT.  De retour de Tahiti, sous perfusion de jus d’ananas, nous voilà sujets à des crises d’hallucination : une raie ? vue du ciel ? à Brest ? C’est pas sérieux !

Le départ, nous y étions préparés. Pourtant, l’inconnu nous attendait. On craignait la chaleur, le moustique, l'humidité... A raison. Mais tout ça était anticipé. On savait à peu près où on mettait les pieds. Le retour, on n'y a pas pensé. La Bretagne, celles et ceux qui nous y attendent, on les connaît. Inutile d’en faire des valises. Bonjour, kenavo, emballé, c’est pesé, retour à l’envoyeur. C’est pas comme si ces quinze derniers jours on n’avait pas donné de nouvelles. On a eu des problèmes de connexion (le Internet à Tahiti, pour comparaison, ce sont les zones blanches de nos campagnes bretonnes, taxé comme un produit de luxe) mais on s’est toujours débrouillé pour donner signe de vie. Et puis, on a écrit pléthore de cartes postales poussiéreuses, écornées parfois même dénudées (pour les copains du bistrot). Le retour, on l’a donc négligé. A tort. Surtout, on ne l'a pas considéré comme un départ, "celui dont on ne revient pas"...
Dimanche matin, à l’aéroport de Papeete - qui lui n'a pas été conçu pour ressembler à un tacaud - de nos amis du Cercle mixte interarmées, de quelques copains venus nous retrouver pour une dernière accolade, nous avons reçu des colliers de coquillages. Le pouvoir des fleurs, à l’arrivée. Au départ, celui des crustacés. Depuis, Nous autres du Croisty, sommes orphelins de ces gens formidables qui nous ont accueillis comme des princes missionnaires. Notre empreinte ne sera pas indélébile mais, à la différence du colon, elle restera, on l'espère, dans les cœurs. Les nôtres sont tatoués. Certains, les plus "olé, olé", le sont littéralement. Mission Cousteau accomplie.

Image du billet  : si, à tout hasard, l'un d'entre vous à un spécimen en provenance direct de l'Atlantique, même en photo sur une chéminée, nous sommes preneurs...